News report of Reception at The French Embassy in St. Petersburg (1870s)

FRANCIS MAGNARD (Rédacteur en chef)

A. PÉRIVIER (Secrétaire de la Rédaction)

RÉDACTION Do raidi à minuit, rue. Drouot, 26

BUREAUX 28, rue Drouot, 28

H. DE VILLEMESSANT  (Fondateur)

 

 

MONDANITES

Grand événement à l’ambassade de France à Saint-Pétersbourg.

Pour la première fois depuis la guerre de 1870. l’Empereur, l’Impératrice et la famille impériale ont honoré de leur présence le bal de notre ambassadeur.

Le caractère très franc, très sympathique et très discret du général Appert a certainement beaucoup contribué à obtenir ce résultat qu’on peut considé- rer comme une rare faveur.

Les “salons de l’Ambassade dans ‘le beau palais Radziwill étaient décorés avec le goût français et la magnificence moscovite. Cette fête, dont Mme Appert faisait les honneurs avec un tact parfait, ne comptait pas plus de deux cents invités. Mais quelle fleur de panier! Quelle crème de la crème et. parmi les femmes, quels délicieux visages, comme s’il était entendu que dans cette incomparable aristocratie Dieu accorde la beauté avec la naissance !

Jetons un regard sur les principaux personnages :

L’Empereur, superbe, portant l’uniforme de sa garde, très attirant, très cordial, semblant heureux de parler à des Français.

L’Impératrice, idéale de beauté, de fraîcheur et de gaieté. Son sourire et ses yeux faisant oublier le ruissellement de diamants dont elle était parée. Robe de tulle, poudrée de perles fines. Traîne unie pas très longue. Gros bouquets de plumes blanches sur le devant de la jupe. Aigrette de plumes et de diamants dans les cheveux. Rivière de diamants à quatre rangs, jetant des feux splendides sur la neige du cou. A cette rivière, s’at- tachait un rubis cabochon dont voici l’his- toire: l’Empereur a donné à l’Impératrice, cette année, un oeuf de Pâques en or qui, en s’ouvrant, laisse voir le jaune de l’oeuf d’un or différent, et dans ce jaune d’oeuf, une petite poule contenant une mignonne couronne impériale en diamants et, dans cette couronne, un rubis cabochon sans pareil. C’est le cas de s’écrier avec le savant: Que de choses dans un oeuf!

Il y faut ajouter la grâce de l’attention, n’est-ce pas un vrai présent d’a- moureux que ce royal enfantillage?

Le grand-duc Wladimir, en uniforme de chevalier-garde. La grande-duchesse très belle, en robe couleur de perle fine, sous une pluie de roses.

Le grand-duc Alexis en uniforme d’amiral, le grand-duc Serge, en uniforme du régiment de Préobrajenski; le grand- duc Serge est venu, quoique en deuil, pour être agréable à son frère ; le grand- duc Michel en uniforme de l’artillerie.

La grande-duchesse Catherine tout en blanc, et sa fille, la princesse Hélène, en tulle ciel avec corsage ciel glacé d’ar- gent. La charmante princesse d’Olden- bourg, artiste et spirituelle, fille de la grande-duchesse Marie, en toilette très simple, mais parisienne.

La princesse Kotchoubey, grande-maî- tresse du palais, couverte de dentelles sur satin blanc, avec ses insignes de grande-maîtresse et des diamants rares. Puis, un bouquet de femmes, qui feraient pâlir les portraits des grands siècles, tant leur vivante beauté a d’éclat. La princesse beloserski, soeur de la comtesse” de Beauharnais, une professionnal beauty. Tout en damas rose du Bengale, avec un diadème de diamants et de saphirs cabochons.

La princesse Pépita Kotchoubey, fille du maréchal Serrano, une Chimène au teint de gardénia, grands yeux andalous, profil pur, épaules fraîches et gracieuses. Robe de satin rose aurore disparaissant sous untreillis de perles. La comtesse Paul Schouvaloff, dont-le mari vient d’être nommé ambassadeur à Berlin. Une toilette nuage cou- leur du ciel, constellée de diamants.

Mme Dournoff, fille de la princesse Kotchoubey. – Robe vieux rose, ultra pschutt. Bijoux merveilleux.

Princesse Platon Obolenski, femme de l’aide-de-camp du grand-duc Wladimir. – Robe feu s’alliant à un type très élégant. Mme Narishkine, née comtesse Tall. – Visage exquis de finesse dans une toilette blanche parée de plumes.

Princesse Marianne Kotchoubey, nièce de la grande-maîtresse du palais. – Une vapeur de tulle bleu pailleté d’ar- gent. 1

Mlles Appert. – Toutes deux en blanc, avec noeud de moire bleu de ciel, bou- quet de roses au corsage ; très entourées, très charmantes et dignes de leur succès.

Mile Tchérémétieff, nièce de la belle comtesse de Raineville. -. Avait eu l’idée de se faire un collier avec tous les petits oeufs de Pâques en bijoux qu’elle avait reçus cette année.

Mlles Thorton, filles de l’ambassadeur. d’Angleterre, la jeune princesse Wolkonski, Mlle de Giers, toutes jolies dans leurs blancs atours et fraîches comme des touffes de muguets.

Enfin, Mmes de Scheiwnitz, ambassadrice d’Allemagne, Américaine de nais- sance; lady Thorton, ambassadrice d’Angleterre; Mme Grosvenor, de la noble maison des Grosvenor, marquis de Westminster, toutes charmantes, et Mme Ternaux Compans, extrêmement jolie dans des flots de tulle blanc à longues guirlandes de fleurs.

La toilette de la générale Appert prou- vait que le goût français est toujours à la hauteur des circonstances. Elle était en satin blanc, brodé de fleurs de cou- leur en relief. Traîne de tulle semée de fleurs blanches. Corsage de satin blanc.

La générale est restée sur la brèche avec une grâce souriante. C’est une maî- tresse de maison accomplie.

L’Impératrice et la grande-duchesse Wladimir ont voulu danser avec le personnel de l’ambassade française pour bien affirmer leurs sympathies. L’Empereur a joué avec ses partenaires habi- tuels. On a remarqué qu’il a causé assez longtemps avec l’ambassadeur d’Angleterre.

A une heure et demie, splendide sou- per assis auquel assistaient Leurs Majestés.

Puis, un cotillon avec des accessoires étonnants entre autres-une nuée dé petites casquettes de chevaliers-gardes, de hussards et d’artilleurs, fabriquées sur les dessins de M. Détaillé.

Celte belle fête ne saurait être oubliée. Au pays du soleil, la France a Deut-être perdu un peu de son prestige, mais elle’ le conserve tout entier au vaillant pays des neiges et des solides alliances.

link: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k279271z/f1.textePage.langFR